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Le sillon, une marche en fraternité
11 octobre 2015

Le jour du saigneur

JOUR 34: dimanche 11 octobre

Encore un dimanche. C'est le jour que j'aime le moins dans la semaine. Le jour où la vie se retire des rues, carapaçonnée dans l'intimité des foyers. Pour qui n'est pas titulaire d'une famille, dimanche peut aisément rimer avec moral qui flanche et tire ton mouchoir de ta manche.

C'est aussi le jour de la chasse, enfin, un des jours possibles de la semaine pour cette activité que de nombreuses personnes ne peuvent exercer que lors du repos dominical. Je n'aime pas la chasse et je confesse certains a priori sur les chasseurs. Je pense qu'il est effrayant d'être poursuivi par un autre être vivant, qui de surcroît veut vous priver à tout jamais du bonheur de respirer.

Je n'aime pas me promener dans les bois au son du canon.

J'ai peur des armes à feu et de leurs bouches terribles. J'ai peur des balles perdues, balles perdues, balles perdues...(*)

J'aime les biches, les faons, les faisans, les écureuils bondissants, les gros lièvres bruissants.

Dimanche dernier, alors que je marchais en lisière d'un bois sur un chemin bordé de châtaigners, j'ai été témoin d'une scène incroyable  : après un coup de feu tout proche, une biche a surgi des fourrés, puis bondi sur la route quelques mètres à peine derrière un groupe de gens qui, le cul en l'air, tout affairés à ramasser des châtaignes, n'ont absolument rien perçu de l 'événement. La biche a traversé ensuite un grand champ à découvert pendant une longue minute où j'ai retenu mon souffle, craignant qu'elle ne suspende le sien pour toujours.

Combien de grâces de biche avons-nous laissé filer, le nez dans nos godasses ? Aujourd'hui, il s'en est fallu d'un poil que je ne manque l'écureuil roux qui a zébré mon chemin. J'étais tout absorbée par la navigation sur mon portable, à défaut de trouver de visu des traces de balisage de GR.

La magie de la vie tient dans ces secondes d'attention que l'on arrache à la folle course du temps.

Cet après-midi, quelques coups de feu ont perforé le silence enchanté du paysage automnal. Un peu plus tard, j'ai fait la connaissance de Jean-Christophe, agriculteur de métier et chasseur du dimanche. J'ai immédiatement senti fondre les a priori, tant l'homme qui me parlait n'avait rien d'un tueur assoiffé de sang. Je lui ai posé quelques questions sur son passe-temps et ai été surprise d'apprendre qu'il ne chasse que rarement avec un fusil, mais plutôt seulement avec son chien. Il a fait lui-même le distingo entre les chasseurs qui aident à réguler les populations animales et les plantations forestières, et ceux qui chassent pour satisfaire un désir de tuer qui vient du fond des âges.

Je suis heureuse d'être femme, car de tout temps, de toute éternité, les femmes dans leur immense majorité ont à coeur de préserver la Vie.

NB: Ames sensibles attention, j'ai glissé en fin de message quelques photos d'animaux morts, en hommage à leur vie fauchée trop tôt.

(*) http://www.ina.fr/video/I05138866

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Commentaires
E
Je précise qu'aucune châtaigne n'a été maltraitée, ni même touchée par l'auteur de ces lignes. Le lapin-châtaigne est venu se jeter tout seul sous mes yeux ébahis.
P
Je n'ai jamais rendu la liberté à des animaux libres pour les supprimer ensuite. Ce sont les grands fondamentaux de ce "sport" peu équitable que je bouscule un peu. Je n'ai aucun mépris pour les passionnés, mi-philosophes mi-marcheurs, qui arpentent la campagne mais il reste le fusil... En effet, il se trouve qu'il y a quelque chose sur le fond d'incontournable et d’irréconciliable quand se croisent nos chemins...<br /> <br /> Ça c'est pour le cérébral... Mais mon cœur qui interroge en permanence la question fraternelle reste à l'écoute des autres cœurs, fussent-ils chasseurs... cueilleurs, en-saignant(s)...<br /> <br /> Bien cordialement. P.M.
J
Inutile nota, Pierre, puisqu'il est inscrit dans le fondement de ces parcelles de réseaux sociaux que sont les blogs, qu'il sont de libre expression pourvu qu'elle ne soit ni injurieuse si calomnieuse. Combien de fois faudra-t-il le rappeler, chacun a droit à donner son opinion, en toute respectabilité et écoute des opinions contradictoires qui peuvent s'exprimer d'un simple post comme celui-ci, sans engager d'autre personne que l'auteur ?. Pour le reste j'apporte un amendement. Pour avoir vu souvent en saison passer un chasseur, dimanchement, devant chez moi avec son chien, et revenir par l'inverse chemin, bredouille plus d'une fois, pour l'avoir entendu expliquer qu'un jour de tempête il avait découvert des cailles piégées dans son grillage, collées par le vent, qu'il les avait prises dans ses mains pour les rendre à leur liberté, depuis ce jour, Pierre, je me dis qu'on peut être chasseur autrement, comme on peut être autrement en toute chose. Pour être en fraternité il faut aussi savoir oublier nos à priori. Certains hôtes d'Evelaine ont certainement dû passer sur quelques uns des leurs pour accueillir une marcheuse à l'orée de la nuit. Et pour en revenir aux chasseurs, j'en connais aussi qui correspondent bien à ce que tu en dis... Qui habite en Sologne peut, sur ce sujet, s'exprimer sans vergogne.
P
Le jour saigne... <br /> <br /> Nos lointains ancêtres hominidés ont goûté la chair des autres formes d'animalité autour d'eux. Y compris très certainement celle de leurs semblables. Chasser, manger la chair de certains animaux, leur transférait croyaient-ils, puissance, force, intelligence, rapidité et ruse... <br /> <br /> La base de leur alimentation était constituée de fruits, graines, racines, insectes et beaucoup d'escargots. <br /> <br /> Puis nos ancêtres ont commencé à enterrer les corps de leurs morts pour les protéger des charognards, puis les entourèrent progressivement de toutes sortes d'objets pour le grand voyage...<br /> <br /> Progressivement et avec une infinie lenteur, de l'animalité brutale et hostile est sortie la fragile humanité. <br /> <br /> La chasse représente très certainement les traces de notre passé ancestral de "carnassier-prédateur" issu de la nuit des temps. Car pour chasser il faut aimer la vue du sang vermeil et particulièrement la viande. Rares sont les chasseurs chez les végétariens !!! <br /> <br /> Mais de tuer pour survivre, l'homme est passé à tuer pour occuper ses loisirs. L'ancienne nécessité redevient plutôt cruauté. <br /> <br /> Plus rien ne justifie la chasse comme loisir : nos silos, nos entrepôts géants sont pleins, nos congélateurs remplis de protéines industrielles...<br /> <br /> Tuer par plaisir ?... Non, "pour perpétuer une tradition" corrigent les adeptes. <br /> <br /> Le faisan de colchide, la craintive caille, les perdrix... sont élevés aux granulés industriels et "lâchés", peureux et inquièts, dans ce qui reste de nature irrémédiablement souillée par la chimie : le terrain de jeu de certains hommes, bien décidés à en découdre si d'aventure on leur interdisait... <br /> <br /> En abolissant les privilèges, la révolution, au nom de l'égalité, a instauré "la chasse pour tous". <br /> <br /> Un désastre aujourd'hui. <br /> <br /> Nos "amis" anglais comptent aujourd'hui plusieurs millions de protecteurs de la nature et quelques dizaines de milliers de chasseurs. En France c'est exactement l'inverse. <br /> <br /> Au regard de leurs tenues bariolées de camouflage ne nous disent-ils pas encore le : "maman, on joue à faire la guerre" de l'enfance. <br /> <br /> Et le sang va abreuver les sillons... <br /> <br /> Grand amateur de nature libre, je l'observe souvent le plus loin possible des hommes. Je ressens parfois dans ma longue vue des instants rares et sublimes impossible à traduire en langage. Si peut-être, par un mot : harmonie. <br /> <br /> La violence de certains prédateurs fait aussi partie intégrante de cela. Mais dans mes observations solitaires, je n'ai jamais vu de mammifères ou de rapaces, tuer pour le plaisir de tuer, pour ses loisirs. <br /> <br /> Ils tuent pour ne pas mourir, pour survivre, pour transmettre. La nature est sans morale : elle est. <br /> <br /> Certains humains, essentiellement des mâles, compensent très certainement par ce loisir un complexe d'impuissance. Le sang vermeil est versé inconsciemment pour un érotisme refoulé. Une jouissance inconsciente. <br /> <br /> De mon point de vue et je vais en choquer plus d'un, certains mots de notre hymne s'inscrivent parfaitement dans cette jouissance collective sanglante. Aux prétextes que ces paroles seraient historiques, que nos grands parents la chantaient au combat, sans oublier le tout récent argument parfaitement faux (le sang impur désignerait le sang des Patriotes Français qui l'offraient pour la liberté !!!) argument spécieux et stupide aux regard des faits historiques ... A tout cela je réponds qu'il ne s'agit que d'images cocardières puisées dans le contexte de la terreur révolutionnaire avide de sang. Ces mots agissent inconsciemment sur nous, entretiennent notre violence guerrière sous-jacente et entravent notre marche vers la Fraternité : ce rendez-vous magnifique sur le méridien de notre histoire humaine. <br /> <br /> Notre sillon à nous. <br /> <br /> Ils n'aident pas non plus à l'apaisement de nos relations avec le règne animal. <br /> <br /> Voilà ce que m'évoque ton sensible billet sur "le jour du saigneur", chère Evelaine...<br /> <br /> Un très beau titre.<br /> <br /> <br /> <br /> Pierre Ménager.<br /> <br /> <br /> <br /> Nota : Ces propos n'engagent que moi et non l'auteur de ce blog.
E
Merci Barbarie ! Je pensais justement à nous aujourd'hui et à nos merveilleux moments d'échange dans le travail et dans la vie ! J'étais si heureuse pendant la résidence d'Izvan cet été que j'ai fait passer mon trajet par Grignan, en espérant que Zoé -et Didier s'il est là- viendront marcher un peu avec moi. Grosses bises et merci de tes mots touchants. Et longue vie aux trois biches d'Izvan !
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